GOOGLE GOLEM : Le deep learning santé va-t-il sauver la Sécu ?

Fin 2001 je me retrouvais avec Claire mon associée, alors que nous étions chez Mckinsey, en Silicon Valley. Quand elle visita Google l’entreprise née  eptembre 1998 ne comptait que quelques poignées de développeurs. En costume gris (on avait quitté la cravate car le dress code était Friday wear !) nous autres de « La Firme » nous étions les parfaits petits représentants de la old ladie du capitalisme Wasp. En entrant chez Google, dont les data étaient déjà protégées par des sas à reconnaissance digitale, le chef des développeurs, en col roulé, annonça… « Je dois vous prévenir qu’ici tous les développeurs sont communistes ». Il nous assura que Yahoo, en face, qui était l’immense leader du web de l’époque, avec son moteur de recherche Inktomi et ses buildings remplis de serveurs n’était qu’une note en bas de page de la Recherche humaine face à la vision de Google. On est difficilement rationnel et visionnaire. L’hémisphère gauche est rationnel et analyse. L’hémisphère est le lieu de l’imagination et de l’innovation. Je n’ai alors utilisé alors que mon hémisphère gauche. Erreur. Le type avait raison.

Il avait dit « communiste » mais je comprendrai vite qu’il voulait dire « transhumaniste ». Whatever, c’est d’un problème plus important que je voudrais vous parler aujourd’hui. De votre santé.

Google Golem

D-ieu joue-t-il au jeu de Go avec notre santé ?

Vous vous rappelez du super ordinateur « AlphaGo » produit par Deepmind la filial d’IA et de Machine learning de Google ? Et bien le jeu continue… avec « Patient Rescue », non plus pour devenir champion du monde de Go, petit joueur ! mais pour éviter que toute l’humanité tombe malade… Mauvaise nouvelle pour ceux qui croient que D-ieu est un super ministre de la santé ou de finances (Woody Allen priait bien pour que D-ieu lui fasse un signe, genre un gros dépôt sur un compte en Suisse) ou qu’il joue à un shoot them-up avec les humains pour déterminer qui va avoir un accident cardio-vasculaire ou quitter ce monde dans la partie d’aujourd’hui… trêve  plaisanterie !  (à partir d’un certain degré d’humour noir on ne parle plus qu’en Yiddish :))

Le génome humain version Google

Google savait déjà beaucoup de choses sur nous. Ce n’est plus vraiment un secret que Google a de grandes ambitions en Healthcare. Un de ses projets, Baseline, lancé à l’été 2014  par sa division « Google X Sciences de la vie » était d’appliquer le deep learning et l’intelligence artificielle à la biologie. (source ). Google a ainsi collaboré avec l’Université Duke en Caroline du Nord et  l’Université de Stanford en Californie pour lancer un programme de séquençage du génome humain avec 175 volontaires. Les chercheurs ont donc  recueilli des analyses de sangs, d’urine, etc… mais les antécédents familiaux, les data de régimes d’alimentation, de consommation de drogues… Et ce n’est qu’un début puisqu’il faut de grandes quantité de data et donc de  potentiels patients. Ici on  peut voir : la team de choc.

L’œuvre d’un homme est inséparable de sa bio disait Nietzsche. C’ets probablement le cas de Sergei Brin. Car en faisant analyser son ADN par 23andMe une filiale de Google qui travaille sur le séquençage ADN, dirigée par sa femme le cofondateur de Google a appris qu’il était porteur de la version mutée du gène LRRK2 – donc d’un terrain propice pour développer Parkinson.

Mais en attendant le décryptage du génome humain Google continue ses projets santé.

Internet sauvera-t-il l’humanité de la maladie et de la mort… et la Sécu de la faillite ?

Comment pousser la médecine vers plus de prévention et moins de traitement de la maladie ? En soi l’idée est esthétiquement séduisante et économiquement rentable pour les systèmes de protection des Etats en faillite. Google s’en est emparé. Il s’agit de recueillir de très grandes quantité d’information (ce qui est le prérequis d’efficacité du deep learning -voir un de mes précédents post) et de pratiquer l’apprentissage automatique avec ces grandes quantités de données pour prédire des maladie, aider au dépistage et au diagnotic médical. Bref de pécher au chalut à la machine plutôt que la recherche des symptômes au harpon ! Pouvoir prédire une maladie probable plutôt que de guérir et vendre des millions de boîtes (les labos) à rembourser ensuite…. c’est le rêve du patron de la Sécu.

Pour vous donner une idée, les seuls accidents cardio-vasculaires (hyperactif, je touche du bois !) représentent 120 000 infarctus du myocarde par an en France ; 10 % des victimes décèdent dans l’heure qui suit et les autres sont pris en charge par l’Etat Providence. Les maladies et les risques cardiovasculaires représentent plus de 30 milliards d’euros pour la sécu[1]….Et les nuages s’amoncellent à l’horizon : 10 % de la population française, et près de 20 % des enfants sont en surpoids ! Ajoutez à cela les AVC (32 000 morts par an 20 000 survivants) et leurs coûts de traitement colossaux… Coût total pour l’Assurance-maladie, de 4,5 milliards d’euros par an[2]. Et je ne parle pas du diabète (15, 5 md€), des maladies psychiatriques (22, 6 md€)… Le deep learning nous sauvera-t-il des dix plaies d’Egypte ? Le trou de la sécu qu’on appelle aussi la dette sociale, s’élève lui, à 158 milliards d’euros. Google sauveteur des systèmes de santé ? en tout cas la Firme de Moutain View avance sur ce terrain.

Patient Rescue

Ainsi, comme l’a montré le New Scientist, un accord secret passé entre le NHS (National Health Service) un organisme public de Santé anglais et Deepmind a permis à Google d’accéder aux données de santé de 1,6 million de patients londoniens qui passent chaque année dans les trois hôpitaux de la NHS, bien au-delà de ce qui était prévu dans la partie publique de l’accord qui concernait seulement les patients atteints de maladie rénale.

Mais il semble que Google a eu accès aussi  à des données qui touchent aussi la séropositivité, les overdoses et les avortements, les journaux d’activité de jour en hôpital de jour, les dossiers de l’emplacement et d’état des patients – ainsi que sur qui les visite et quand….  des données de dossiers médicaux sur 5 ans, .[3]

Le document révèle également que DeepMind développe une plate-forme appelée Rescue Patient, qui fournira des services d’analyse de données pour les hopitaux de NHS permettant le sauvetage des patients, utilisant les flux de données des hôpitaux pour construire des applications d’ analyse et de prévention en temps réel des données cliniques pour aider les décisions de diagnostic…

Comme Amazon compare vos achats avec ceux d’autres personnes via des algorithmes de collaborative filtering ou de machine learning, l’hopital compare les informations d’un nouveau patient avec des millions d’autres. Patient Rescue pourrait alors prédire s’il est dans les premiers stades d’une maladie qui ne présente pas encore de symptôme avant qu’elle ne soit chronique aidant l’équipe médicale dans son diagnostic et ses tests cliniques.

Après tout, pourquoi pas si c’st fait en opt-in ? on n’en est sans doute qu’au début de la mutation digitale en santé. Ceci n’est qu’un étape commencée il y a 15 ans.

Qu’est ce qui s’est passé dans le monde de la santé avec Internet ?

Dans les années 2000 je travaillais aussi en France sur des start-ups de portails médicaux d’information, de mise en relation de groupes de patients par pathologie, de rating d’hôpitaux…du type Docteur Cook, Web MD… L’idée était de mettre le patient, via son dossier médical et les portails de santé, au centred’un système de santé dont les médecins, hôpitaux, labos, assurances sociale… étaient des services comme des satellites autour du patient.

L’idée était que le système de santé se décentrerait du médecin vers un système tournant autour du patient, de ses données, et de la conversation des communautés thérapeutiques. Une révolution copernicienne, que tentait d’accompagner l’Etat en France via le RSS.

Il s’agissait d’une vision simpliste venue des US. En France, les patients n’ont pas accès à toutes les informations de leur dossier médical qui repose entre les mains du médecin. (Imaginez qu’atteint d’un cancer vous appreniez où vous en êtes exactement…), centre de gravité du système de santé.

Et de fait, en 15 ans, via Internet, les patients ont pris le pouvoir sur leur information santé via les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les contenus médicaux, l’open data des hôpitaux et institutions publiques de santé, la transparence demandée des Etats sur les remboursements, la transparence de l’information en ligne, les équipements médicaux connectés et l’Internet des objets, le machine learning des pure click players… le patient est revenu au centre, les labos et professionnels de santé étant de plus en plus désintermédiés dans leur relation avec le patient par les pure click players, dont Google. Pour rappel 93,5% des recherches en France (62,3% dans le monde) passent par Google[4], dont celle concernant la santé mais aussi les recherches alimentaires, de mode de vie… Google Alphabet est aujourd’hui la première capitalisation mondiale (543,2 milliards de dollars), avant Apple leader depuis 2007.

Face à cette déferlante, les Etats ouvrent ou non leurs données (Open data) tandis que des milliers de développeurs se les approprient pour créer des applications mobiles et des algorithmes remettant le client au centre. L’idée est d’utiliser l’intelligence collective de tous au bénéfice du bien commun. Les forums médicaux ont été démultipliés et « viralisés » avec l’appropriation massive des réseaux sociaux, la domination sans conteste de Google en terme de big data et de deep learning[5] est évidente, mais rien n’est écrit.

Ou allument des contre feux : en témoigne l’invitation de Barack Obama le 25 février 2016 proposant à un million de volontaires américains d’ouvrir leurs données médicales à des chercheurs. Ou encore le bras de fer de la Commission européenne avec Google sur l’utilisation des données personnelles… Les Etats aussi, ont compris que la bataille de la donnée était engagée.

L’avenir pour les Etats, les mutuels, les hôpitaux, les  médecins, les patients est-il de devenir des satellites de la machine qui générerait une part de la connaissance santé et de la donnée et accompagnerait l’information, la prévention, le diagnostic, le soin, l’assurance, aiderait à réduire les coûts du système de soin ?

Comme les biotechnologies, Internet soulève des questions philosophiques, métaphysiques, spirituelles abyssales.Il est urgent de réfléchir où nous allons. Qu’est que l’homme ? La Silicon Valley ne manque pas de Socrates en herbe pour répondre à LA question.

Transhumanistes de tous les pays, unissez-vous…

La Silicon valley est pleine de types qui dialoguent en temps réel avec les mythes et les grands récits fondateurs de l’humanité ou de l’Amérique. Nombre de mouvements de contre-culture y sont devenus des religions de masse et des dogmes.

Ainsi de la conquête spatiale. Google a voulu aller sur la lune. On se rappelle de Google Lunar X Prize (c’est une équipe Israélienne qui a gagné le prix en octobre 2015). Google n’est pas seul dans la course, Bezos d’Amazon avec Blue Origin’s et Richard Branson avec Virgin Galactic sont aussi au pied de la fusée… (« Mais pourquoi donc veulent t-ils s’envoyer en l’air sur la lune quand il y a tant de jolies filles dans les rues ce printemps » disait l’autre jour un type à l’Assemblée Nationale ?).

 

Mais le projet Google dont le mission statement « d’organiser le monde de l’information pour y donner accès facile et universel» jusqu’en 2014 avec le fameux « don’t be evil » semble de plus en plus requalifié avec le seul mot de RECHERCHE « pour les 100 prochaines années » comme dit Larry Page [6], va aujourd’hui beaucoup plus loin. L’objectif pour Google en plus du génome humain est de comprendre ce que signifie être une personne en bonne santé… pour, via le deep lerning, prévoir la maladie.

 

Mais pour la santé il s’agit d’aller beaucoup plus loin que de rejouer la ythologie de la conquête spatiale. L’idée de Google est tranhumaniste.

Selon la vision transhumaniste le citoyen est un être autonome qui n’appartient qu’à lui-même et peut donc modifier son cerveau, son ADN, son corps au fil des découvertes scientifiques en live (Une sorte de devOps humain). La domestication de la maladie, du vieillissement et de la mort ne sont qu’une étape de l’arraisonnement de la nature par l’homme grâce aux sciences sans limite éthique quant aux moyens, l’homme un terrain d’expérimentation pour les technologies NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). L’homo transhumanisticus est une application en « version béta », un prototype en développement continu.

Via la Singularity University, Google est une des chevilles ouvrières de la révolution NBIC et Ray Kurzweil, le « pape » du transhumanisme, dirige la Singularity University.[7]

 

Les contempteurs du progrès invoqueront Minority report (on imagine la cloche de verre qui tombe du ciel sur celui qui sort de sa maison le matin sans encore savoir qu’il est enrhumé) et à l’autre bout, les adorateurs d’Auguste Comte et du scientisme version Transhumaniste annonceront le grand soir de la vie éternelle… sans se demander si ce ne serait pas un hypothèse ultra chiante (« L’Eternité c’est long… surtout vers la fin ! »… Woody Allen à nouveau).

Voilà un peu où on en est.

Google Golem ?

On en sait donc pas trop où on va même si chaque jour on y va.  Le récit mythique du D-ieu potier ou créant l’homme à partir de glaise est dans la Bible, elle vient de Babylone au 13ème siècle avant notre ère (Enuma Elish). L’idée de recréer un être humain est vieille comme le monde et pour les gens de la rue l’intelligence artificielle cette machine « plus forte que l’homme » signifie la réussite de ce vieux projet.

Pour finir je voudrais vous raconter une légende qui me semble éclairer notre réflexion. Celle du Golem.

Le mot Golem vient du psaume 139, 16 écrit il y a 2500 ans dans la Bible.

« Quand je n’étais qu’une masse informe (Golem),  tes yeux me voyaient;

Et sur ton livre tous mes jours étaient inscrits, recensés avant qu’un seul ne soit.
Que tes pensées sont pour moi difficiles, Dieu, que leur somme est imposante !
Je les compte : plus nombreuses que le sable ! Je m’éveille : je suis encore avec toi. »

Trouve-t-on meilleur exposé du problème ?

Golem

Selon la légende, le Golem aurait été conçu au 16 ème siècle par le Maharal de Prague (Rabbi Loew). C’était un géant d’argile à la force herculéenne chargé de protéger la communauté juive. Le Maharal lui aurait donné la vie en inscrivant EMET (la vérité) sur son front. Cet homme muet et mystérieux devint une célébrité à Prague. Le Golem suivait partout le Maharal comme un muet fidèle, le servant, lui ouvrant la route.

Mais un jour le Maharal le laissa seul… et le Golem se révolta. Il parcourait les rues en brisant tout sur son passage.

On appela la Maharal qui accourut. Quand le Rabbi Loew fut prévenu de la panique qui régnait en ville, il cria au ciel : « Golem, reste où tu es ! ». Et le Golem se figea. Le Maharal s’approcha et comme à son habitude le Golem se prosterna devant son maître.

 

Le Maharal effaça alors sur son front d’argile la première lettre du mot EMET (l’aleph) et le mot devint MET(H) qui signifie « la mort ».

Le Golem redevint alors de la terre glaise, soumise à son créateur.

Le mot GOLEM est rendu par « masse informe », « embryon », « destin ».

Comme celle du Golem, la vie de Google a commencé avec la recherche de mots. De Nosferatu à Frankenstein jusqu’à Warecraft et Minecraft, et Godzilla le Golem a eu une nombreuse postérité.« Quand tu regardes l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi. » disait Nietzsche. C’est un peu ce qui nous arrive avec le deeep learning.

Contrairement à ce que croient les transhumanistes et autres scientistes, ou à l’autre extrême les contempteurs de Google, les technologies sont neutres moralement.  Le deep learning nous repose la question de la connaissance et de l’intelligence.  Et surtout la seule question qui vaille : qu’est-ce qu’un  » homme humain  » demandait un théologien médiéval ? Lev hokhma  dit la Bible en hébreu, un « coeur intelligent » ?

[1] Source : http://www.lefigaro.fr/social/2013/10/23/09010-20131023ARTFIG00323-ces-maladies-qui-coutent-le-plus-cher-a-la-secu.php

[2] Source : Pr Gérard de Pouvourville, directeur de l’Institut de la Santé et titulaire de la chaire ESSEC Santé. https://destinationsante.com/avc-des-couts-humains-et-economiques-considerables.html

[3] https://www.newscientist.com/article/2086454-revealed-google-ai-has-access-to-huge-haul-of-nhs-patient-data/

[4] AT Internet 2015.

[5] Algorithmes auto-apprenants d’intelligence de la donnée (la machine « apprend à apprendre » via un empilage de réseaux neuronaux, comme le cerveau humain, sans spécialiste, en maniant d’importantes quantités de données). Les algorithmes de deep learning de filtrage collaboratif d’Amazon, de reconnaissance d’images et d’informations de mise en relation de Facebook, celui de Google (TensorFlow) étant désormais depuis novembre 2015 en open source de Google… sont des réalités industrielles utilisées en masse par les GAFA’s.

L’ébauche de ce modèle né le 28 avril 2006, il y a 10 ans ! était Google traduction qui permit pour la première fois d’opérer des traductions par comparaison statistique de documents en plusieurs langue de l’ONU… faisant le Google le premier traducteur sans interprète humain ou règles de grammaires. Franz Josef Och ingénieur allemand qui découvrit la traduction statistique travaille chez Google tout comme l’ingénieur français qui découvrit le deep learning.

[6] https://www.theguardian.com/technology/2014/nov/03/larry-page-google-dont-be-evil-sergey-brin

[7] Cf : http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/04/18/google-et-les-transhumanistes_3162104_1650684.html

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